De
Futura, una conversazione
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di Gennaro Fucile | |
Quelle musique écoutais-tu quand étais un petit garçon et quelle a été l’influence de ton père dans la formation de tes goûts et de tes passions musicales ? J’ai écouté très jeune du jazz et de la musique classique. Billie Holiday, Art Blakey, Clifford Brown, Stravinsky, Wagner. Ce n’est pas mon père adoptif qui m’a initié mais ma mère. Elle m’a fait découvrir les « Grands ». A l’âge de quatre ans, j’étais assis à côté de la batterie de Blakey, lorsqu’il jouait au « club Saint Germain » à Paris. Quand tes choix musicaux sont devenues autonomes, c’est-à-dire quels ont été tes premiers choix musicaux au-delà de ton entourage familial? A l’âge de 9 ans, chez une amie de ma mère, j’ai eu l’occasion de découvrir Ray Charles. J’ai tout de suite aimé son chant, sa douleur, son cri. Je ne le savais pas encore mais c’est ce cri que je cherchais dans toutes les musiques que j’écoutais. Comme as-tu découvert John Coltrane? Quand Ray Charles est entré dans sa période plus « sirupeuse », John Coltrane est arrivé à point, il a pris le relais. Je connaissais déjà John Coltrane en 57-58 quand il jouait avec Miles. C’est ma mère qui me l’avait fait découvrir en me disant « écoute le SON ! ». De l’amour de Coltrane naît Magma, de Magma naît Offering, geste d’amour inconditionnel dédié à Trane? Peux-tu m’expliquer cet éternel retour de ta musique à la spiritualité coltraniene? Chez John, c’est l’énergie, la furie de jouer, la construction, le « son », sa vision à long terme qui m’ont inspiré. La musique de John Coltrane est une source intarissable, une force qui emporte. Il y a quelque chose d’autre dans sa musique qui va au-delà. Si la musique de John n’était que de la musique, je m’en serais peut-être lassé. Il est certain qu’il a ouvert une porte sur un monde que nous ne connaissions pas. C’est sans doute cette quête spirituelle effrénée qui la mené là. Pour ces raisons, j’écoute et réécoute John régulièrement. C’est pour moi une source intarissable que je peux écouter de manière différente à chaque période de ma vie. Quelle relation y a t il entre Magma et Sun Ra? Au fond, au-delà des différences musicales, ils sont les deux mondes très autoréferentiels? J’ai suivi de loin l’aventure de Sun Ra. Le soleil semble nous relier quelque part. Aussi pour toi il est beaucoup plus important la composante théâtrale dans un concert? En concert, je n’accorde aucune importance à l’aspect extérieur, à la mise en scène, au côté théâtral. Je dirais même que je suis contre. Au commencement de Magma, nous avions deux spots d’éclairage sur scène. Un vert en première partie, un rouge pour la seconde partie du concert. Et dans une grande sobriété vestimentaire, en l’occurrence habillés en noir, qui est pour moi une couleur propice à la méditation…. Je suis pour le silence visuel. Il nous permet d’approcher l’essentiel : le « son », la « matière », l’esprit. Etre - EN – Musique. A un certain moment, nous avons dû jouer avec des costumes, j’étais personnellement contre, et je l’ai regretté. Quand on touche à ces choses-là, on est forcément « mode ». Et Magma n’a jamais été « mode ». Coltrane est-il un point de repère pour un groupe de musiciens, peux-tu m’indiquer d’autres expériences musicales de même intensité, si toutefois differentes de Offering? Jusqu’à ce jour, je n’ai rien connu de plus intense que la musique de John Coltrane. Pour ce qui est de Magma et Offering, j’ai toujours donné le maximum, quelquefois au-delà des limites de l’entendement. En discographie Offering sort après Magma, le projet est-il contemporain? En 1979, je composais des musiques qui nécessitaient plus d’improvisation. Klaus Blasquiz (le chanteur de l’époque) ne pratiquait pas ces choses-là. Donc, ça a été la transition, j’ai dû chanter. Les concerts Offering m’ont énormément appris vocalement. A partir de 1983, Magma n’avait pas beaucoup de propositions de concerts. Je devais jouer en Trio jazz avec Alby Cullaz et Michel Grailler dans une salle à Paris (Le Forum des Halles Jazz). Michel n’était pas libre. Jacqueline Ferrari, une amie qui tenait un célèbre club de jazz parisien « le Riverbop », m’a dit « tu ne peux pas laisser passer une semaine de travail! Pourquoi tu ne joue pas toutes ces choses que tu chantes souvent au piano, c’est un autre aspect de ta musique aussi !! » J’ai dit « pourquoi pas ? » Et Offering est né, à point nommé. Peut-être la tienne, une expérience unique, un peu comme le rapport de Steve Lacy avec Monk ? Peut-être, mais je ne connais pas suffisamment cette relation pour en parler. Nous retournons à Magma. Tu as utilisé des clichés de science-fiction pour raconter des douleurs, des chances, des tragédies et des amours de l’humanité. Pourquoi la science-fiction se prêtait pour bâtir ton récit? Pour moi, il ne s’agissait pas de science-fiction. Poudrais-tu résumer l’histoire de Kobaia?
L’histoire d’un monde à l’intérieur d’un monde. Plus proche du monde que je souhaitais. Laurent Thibaut qui était le premier bassiste de Magma l’a résumé à sa manière : « Kobaïa : c’est la terre sans les cons ! » Dans un certain sens tu as crée une saga. Avais-tu dans ton esprit dès le commencement de bâtir une histoire à feuilleton? J’ai toujours laissé la musique venir naturellement. Je suis plutôt un « récepteur ». Je capte les sons, puis j’essaie de les restituer au mieux. Au fil du temps, je me suis rendu compte qu’il s’agissait de longues suites à épisodes. Mais je n’avais rien prémédité. As-tu jamais pensé que comme Jules Verne est-il le premier narrateur moderne de science-fiction, tu es le premier musicien que conte par le canal de ce genre littéraire ? Jules Verne était un visionnaire. À ma manière, je suis aussi un visionnaire. La musique est formée d’immenses spirales formées elles-mêmes par une multitude de spires. Et la manière dont elles se déplacent nous dépasse. Nous en captons des bribes dans un ordre qui n’appartient qu’à celui qui les restitue. C’est un sujet qui nécessite beaucoup plus de développement. Je suis prêt à le faire à un autre moment. Vous êtes tout les deux français, est-ce seulement une curieuse coincidence ? Qui sait ? Quelle serait la prochaine sortie discographique? As-tu de nouveaux projets ? Nous venons de sortir deux Dvd sur quatre prévus. Suite à une rétrospective Magma qui a eu lieu en mai 2005 durant quatre semaines, dans un club proche de Paris, Le Triton. Chaque semaine présente une période de Magma. Première semaine : début des années 1970, avec comme invité Klaus Blasquiz, et une section de cuivres. Deuxième semaine : Milieu des années 1970 : invité : Jannick Top . A venir, la troisième semaine : Milieu à fin des années 70 : invité : Benoit Widemann Et la quatrième semaine : où nous jouons le répertoire actuel. Nous allons bientôt enregistrer Emëhntëht-Rë. C’est le dernier mouvement d’une trilogie qui comprend : K.A, Köhntarkösz, Emëhntëht-Rë. J’ai composé ce morceau entre 1975 et 1976. Le final n’avait jamais été joué ni enregistré. Les disques sont sortis quelques fois dans un « ordre » qui à créé des confusions. J’ai tenu ainsi à remettre la chronologie Magma dans l’ordre réel des compositions. Nous allons pouvoir passer aux nouvelles choses…
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